La Conférence d’Istanbul le 11 et 12 octobre 1989

Organisé  par le secrétariat du Conseil de l’Europe, LA 16e CONFÉRENCE PERMANENTE DES MINISTRES EUROPÉENS DE ÉDUCATION à adopté des résolutions sur  » LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION – UN DÉFI POUR LES POLITIQUES DE ÉDUCATION » et  » LA COOPERATION EUROPEENNE EN MATIERE D’EDUCATION »


Résolution sur la Société de l’Information : un défi pour les politiques de l’éducation ?

Les ministres européens de l’Education, réunis pour la 16e session de leur Conférence permanente,

RECONNAISSANT que l’Europe devient rapidement une « société de l’information », qui se caractérise par :

  • le développement rapide de nouvelles techniques d’information et de communication et leur application dans tous les domaines de la vie sociale, politique, économique et culturelle ;
  • une croissance constante de la quantité d’informations écrites, sonores et visuelles ;
  • la circulation et l’échange de plus en plus intensifs de cette information, de l’échelon local à l’échelon mondial ;
  • l’emploi d’une partie de plus en plus importante de la population active dans la création, le traitement et la transmission d’informations ;
  • l’extrême dépendance des économies mondiales vis-à-vis des nouvelles techniques d’information en général et du savoir, c’est-à-dire de l’information qui a été assimilée et soumise à un jugement raisonné ;
  • des changements dans des aspects culturels tels que le langage, les formes de communication et d’expression, et les conceptions de ce qui constitue le savoir,

RESOLUS à veiller à ce que l’éducation prépare pleinement les jeunes à relever les défis inhérents à cette société de l’information en gestation et à jouer un rôle démocratique essentiel qui doit être le leur dans l’établissement de cette société,

SOUCIEUX d’améliorer, grâce à l’éducation, l’accès de tous les membres de la société au savoir et aux aptitudes dont ils ont besoin pour tenir leur place dans la société de l’information et de les aider à surmonter les effets des différences dues à la pauvreté, à la catégorie sociale, au handicap physique, à l’âge, au sexe, au milieu national, culturel ou ethnique ou à la localisation géographique,

CONVAINCUS de l’importance considérable et constante du rôle historique de l’éducation dans l’acquisition d’une indépendance de jugement et de valeurs humanistes,

  • à une époque où un nombre de plus en plus grand de connaissances, d’expériences culturelles, d’informations et de valeurs proviennent de sources extérieures à l’enseignement, en particulier des médias ;
  • à une époque où la télévision à ciel ouvert donnera accès à une quantité accrue d’informations et de distractions dans un large éventail de langues et
  • afin de contrebalancer la tendance qui veut que les fournisseurs d’information exercent un contrôle sur les récepteurs de cette information,

CONSIDERANT qu’en raison des incidences importantes de la société de l’information sur le contenu de l’enseignement, il ne sera plus possible ni souhaitable de transmettre un savoir encyclopédique et que l’important sera l’aptitude à sélectionner l’information, à exercer son esprit critique, à résoudre des problèmes, à travailler en équipe, à former des jugements, à communiquer et à remettre constamment en cause ses connaissances et ses aptitudes à la lumière de l’évolution des besoins, surtout à une époque où, pour accroître au maximum ses chances d’emploi il faudra être prêt à changer de profession au cours de sa vie active,

CONSCIENTS des immenses possibilités offertes par les nouvelles techniques d’information et les médias pour ouvrir l’enseignement vers le monde extérieur et pour améliorer l’efficacité des processus d’enseignement et d’apprentissage à tous les niveaux et dans tous les types d’enseignement,

ESTIMANT que les nouvelles techniques d’information et de communication devront être des outils de réalisation intégrale de l’être humain,

PRENANT NOTE da la Recommandation 1110 (1989) sur l’enseignement à distance adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,

ADOPTENT la déclaration suivante :

1. Les systèmes européens d’éducation devraient être encouragés à exploiter tout le potentiel éducatif des nouvelles techniques de l’information et des médias, en particulier dans la mesure où ils peuvent :

1.1. enrichir l’étude des matières et faciliter l’acquisition des aptitudes cognitives ;

1.2. encourager un meilleur équilibre entre le modèle centré sur l’enseignement et une démarche plus active, centrée sur l’apprenant, qui conduit à l’autonomie culturelle ;

1.3. faciliter l’enseignement qui s’adresse a des élèves présentant, dans une même classe, des différences de niveau, d’intérêt ou d’origine ;

1.4. aider les élèves handicapés à avoir accès aux programmes ordinaires ;

1.5. ouvrir l’accès à de nouveaux types d’information bien au-delà des limites de l’école et permettre leur présentation sous des formes plus vivantes et plus faciles à mémoriser ;

1.6. rapprocher les établissements scolaires de l’Europe et du monde entier ;

1.7. développer l’enseignement « ouvert » et à distance pour la mise à jour des connaissances et des aptitudes professionnelles, offrir une « seconde chance » à ceux qui n’ont pas de qualifications nécessaires et favoriser l’enrichissement culturel personnel.

2. Les nouvelles techniques de l’information et les médias doivent également être considérés comme des sujets d’étude à part entière. Ainsi, les élèves se familiariseront avec leurs applications, leurs avantages et leurs limites et ils apprendront à connaître et à manier ces technologies afin de disposer d’une base pour une éventuelle spécialisation ultérieure reposant sur la connaissance approfondie et raisonnée de ces technologies. Ils seront amenés à comprendre les implications sociales, politiques, économiques, culturelles, artistiques et morales des innovations qui façonnent la société, ils seront capables de se faire eux-mêmes, en tant que citoyens responsables, une opinion sur celles-ci.

3. L’étude et l’utilisation des nouvelles technologies d’information et des médias et le développement de connaissances et d’aptitudes liées à ces techniques peuvent présenter des avantages à tous les niveaux d’éducation et dans tous les types d’enseignement. Ils devraient autant que possible être intégrés dans les programmes de l’enseignement obligatoire, dans toutes les matières en fonction du niveau concerné, et pas seulement être introduits sous la forme d’une ou plusieurs nouvelles matières. Des cours plus spécialisés devraient venir s’y ajouter pour répondre aux besoins de certaines filières de formation professionnelles et de formation générale au niveau du cycle supérieur de l’enseignement secondaire.

4. L’étude des domaines techniques et professionnels doit manifestement tenir compte des applications pertinentes des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cependant, les connaissances et aptitudes générales nécessaires au citoyens d’une démocratie et privilégiées par les employeurs comme l’indépendance du jugement, la faculté d’adaptation, l’aptitude générale à manier l’information, la communication, le pouvoir de décision, l’aptitude à résoudre les problèmes et à travailler en équipe devraient être renforcées. Il faudrait aider les enseignants à maintenir des contacts étroits avec le monde du commerce et de l’industrie, ainsi qu’avec d«’autres aspects de la culture et de la société.

5. L’éducation aux médias et aux nouvelles techniques doit jouer un rôle libérateur et rassurant en aidant à préparer les élèves à agir en citoyens d’une démocratie et à acquérir une conscience politique. Les élèves doivent être initiés aux structures, mécanismes et messages des médias ; en particulier, ils doivent acquérir une capacité indépendante à faire preuve d’esprit critique vis-à-vis du contenu des médias. Un moyen en ce sens, qui devrait constituer un objectif à part entière, serait d’encourager l’expression créatrice et l’élaboration par les élèves de leurs propres messages médiatiques ; ainsi, ils seront armés pour profiter de ces possibilités d’expression particulières dans le contexte de la participation à la vie locale. Etant donné le rôle important que les médias tels que la télévision, le cinéma, la radio et la presse jouent dans l’expérience culturelle des enfants, l’éducation aux médias doit commencer dès que possible et se poursuivre tout au long de la scolarité obligatoire. Il ne faut pas non plus négliger le rôle des parents dans cette éducation. Des recherches plus approfondies sont indispensables pour déterminer la connaissance des médias que les enfants apportent à l’école et les moyens de développer la compréhension et la connaissance des médias, ainsi que leurs aptitudes en la matière, grâce à l’éducation aux médias.

Cependant, pour garantir la valeur de cette éducation, une réflexion sur l’éthique de la communication et de l’information s’impose.

Les éducateurs doivent avoir un rôle à jouer dans cette interrogation, car il ne s’agit pas seulement d’adapter l’école au monde des nouvelles techniques d’information et de communication, mais de faire entendre au monde des médias les questions que les éducateurs se posent quant au respect des hommes et des jeunes dans la diffusion des informations.

6. Rien ne doit être négligé pour que l’introduction et la généralisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement comprennent une action visant à promouvoir la mise au point de logiciels éducatifs et de matériels audiovisuels de haute qualité, ainsi que la formation initiale et continue de tous les enseignants. Ceux-ci doivent acquérir les connaissances et aptitudes qu’ils exigeront de leurs élèves, mais aussi les aptitudes pédagogiques nécessaires pour les enseigner. Il faut également qu’ils comprennent les possibilités que recèlent les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour les aider à améliorer l’efficacité de leur enseignement. La formation des enseignants doit les aider à passer du rôle de transmetteur de l’information et du savoir à celui de gestionnaire et de coordonnateur de la classe, capable de faire appel à un ensemble souple de stratégies pédagogiques adaptées aux besoins de chacun. La formation de chefs d’établissement est également urgente, car leur attitude conditionne souvent le succès ou l’échec de l’innovation. Leur formation doit prendre en compte l’application des nouvelles technologies d’information et de communication à l’administration scolaire.

7. Les résultats des politiques suivies pour l’introduction des nouvelles techniques de l’information et de la communication dans l’enseignement doivent faire l’objet d’évaluations constantes, pour permettre de mieux définir les politiques futures. De même, des recherches scientifiques s’imposent sur les effets de ces technologies et des médias dans l’éducation.

8. Pour réduire les déséquilibres sociaux et économiques entre pays européens, les produits et l’expérience des pays les plus avancés  dans l’application des nouvelles techniques de l’information et de la communication à l’éducation et dans l’enseignement dispensé dans ce domaine doivent profiter aux autres, sans détourner ces derniers de leurs propres objectifs ni menacer leur identité culturelle. A cet égard, il conviendrait de renforcer la coopération en matière de transferts de technologie et de compétences éducatives par le biais des organisations t des institutions appropriées.

9. La coopération internationale en matière d’échanges et de subventions en ce qui concernent les logiciels et le matériel audiovisuel éducatif devrait, elle aussi, être renforcée.

10. Il convient de veiller particulièrement à encourager les radiodiffuseurs européens du service public et du secteur privé à réaliser une plus forte proportion de programmes éducatifs et de programmes pour les jeunes ; des canaux de satellites européens devraient être spécifiquement affectés à l’éducation.

RECOMMANDENT que le Conseil de l’Europe envisage la possibilité :

1. de dégager les lignes directrices d’une éducation aux médias et aux nouvelles techniques d’information et de communication ;

2. d’encourager le développement et le partage des conclusions de la recherche sur les objectifs d’apprentissage, la pédagogie et la progression dans l’éducation aux médias et aux nouvelles techniques d’information et de communication ;

3. de promouvoir la formation des enseignants et des formateurs d’enseignants en matière d’éducation aux médias et aux nouvelles techniques d’information et de communication ;

4. d’encourager la création de liaisons électroniques entre les écoles, avec la collaboration de centre nationaux établis pour soutenir et surveiller le développement de ces liaisons ;

5. d’organiser un échange d’informations sur :

  1. les logiciels et le matériel audiovisuel éducatif, en utilisant éventuellement le système européen de documentation et d’information en matière d’éducation (EUDISED) ;
  2. les bases de données informatisées mises à la disposition des écoles ;
  3. les initiatives visant à promouvoir l’enseignement européen ouvert et à distance,

INVITENT instamment le Conseil de l’Europe, la Communauté européenne et le Conseil des ministres nordiques à continuer de privilégier l’enseignement des langues vivantes dans leurs programmes de travail pour que TOUS les citoyens européens puissent communiquer efficacement dans les langues étrangères et tirer profit au maximum de la quantité de plus en plus grande d’informations et de possibilités de contacts et d«échanges,

EXPRIMENT au Conseil de l’Europe leur ferme conviction que les présentes résolutions s’insèrent dans le cadre de la valorisation de la personne humaine, en tant que domaine fondamentale de l’acte éducatif. C’est une attribution des systèmes éducatifs de développer une formation éthique, sociale et civique, ayant comme but la sauvegarde des valeurs culturelles et la construction d’une vraie conscience européenne.


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